Un portrait de William Byrd
Au fil des ans, nous nous sommes habitués à ces images de Thomas Tallis (env. 1505-1585) en jeune homme et de son contemporain William Byrd (env. 1540-1623) en vieillard. Pourtant, plusieurs éléments de ces portraits semblent bien curieux.
- L'histoire
Ils ont été préparés en 1729, peut-être pour un livre sur l'histoire de la musique qui n'a jamais vu le jour, par le polymathe italien Nicola Haym, violoncelliste, compositeur, librettiste, artiste et antiquaire, collaborateur de Haendel au théâtre ainsi qu'à Cannons (la demeure seigneuriale du duc de Chandos) à l'époque où Haendel y composait ses Chandos Anthems. Personne ne sait où Haym les avait trouvés, ou même s'il ne les avait pas simplement inventés. Cela dit, dans la mesure où il était collectionneur de tableaux et agissait en tant que tel pour plusieurs membres de l'aristocratie anglaise, il n'est pas impossible qu'il ait découvert au moins une de ces images dans le cadre de cette activité. La plaque est signée en bas « N. Haym delin. G VanderGucht fecit Aqua[tinte] », ce qui montre que Haym a fourni l'image et que Gerard van der Gucht (1696-1776) l'a gravée.
- Les détails
C’est peut-être un problème de communication entre Haym et Vandergucht qui est à l’origine de l’impression à l’envers de l’image supérieure, qui représente un gaucher. Ce n’est pas impossible, bien sûr, mais la musique représentée est également imprimée à l’envers, les clefs étant clairement visibles sur le côté droit de la page. Haym avait sans doute l’intention de placer Tallis, l'ainé, dans le rond supérieur et aurait donc préparé les titres de cette manière. Mais si le graveur s’est trompé dans la direction de l’une ou des deux images, il ne serait guère surprenant qu’il ait également été capable d’inverser leur ordre et de les placer dans les mauvais ronds.
- Le contexte
Si le jeune Byrd a probablement été l'élève de Tallis, ils sont rapidement devenus des collègues égaux (en tant qu’organistes à la Chapelle royale à partir de 1572) et associés en affaires (
pour la publication des Cantiones en 1575). Ils sont également devenus des amis pour la vie, comme en témoigne le fait que Tallis a été le parrain du fils de Byrd, Thomas, en 1576, ce qui, soit dit en passant, montre également que Tallis a conservé la « vieille religion » tout autant que Byrd, bien qu’il en ait fait beaucoup moins de tapage. Pourtant, Tallis avait déjà 67 ans lorsque Byrd a rejoint la Chapelle royale, et leur relation a toujours dû avoir un côté père-fils. Peut-on imaginer que Haym aurait sérieusement envisagé de publier leur portrait en inversant la différence d'âge entre les deux hommes, qui était de 35 ans ? Même s'il avait trouvé un portrait – disons celui de Byrd dans sa vieillesse – aurait-il par la suite choisi de représenter Tallis, son « père musicien », en jeune homme vigoureux ?
- Personnalité
Sur sa pierre tombale, Tallis est décrit comme un homme « doux et tranquille ». Bien qu’il n’existe pas d’esquisse équivalente de la personnalité de Byrd, les détails de sa vie – l’étalage presque agressif de son catholicisme et son obstination obsessionnelle dans les litiges – montrent quelqu’un d’énergique et de tenace, précisément les qualités visibles dans le portrait du haut. Ainsi, même si ces deux images sont des inventions, ce qui est probable, celle qui, dans l’esprit de Nicola Haym, devait représenter William Byrd ne fait aucun doute. L’image ci-dessous est donc celle que nous devrions imaginer pour le 400e anniversaire de sa mort.
Graham O'Reilly