Ensemble Vocal de Pontoise Direction Graham O'Reilly

Un Office des Ténèbres à Lisbonne- concerts de printemps des 25 et 26 mars 2023

Musique pour la semaine Sainte à la chapelle Royale portugaise au XVIIe siècle

Deux dates et deux lieux pour ces concerts de printemps, qui se déroulent tôt en saison cette année…

Notre chef, Graham O'Reilly, vous propose de continuer la balade ibérique commencée cet hiver à la chapelle du Carmel et vous invite à explorer un univers coloré et d'une grande intensité émotionnelle, en l'église Notre-Dame de Pontoise, mais aussi en l’église anglicane St Georges à Paris.

Des lamentations de Jérémie, un Miserere, plusieurs repons, composent le programme de ce concert, élaboré à partir de manuscrits inédits que notre chef a lui-même retrouvés au palais ducal de Vila Viçosa : des pièces à double chœur pour l'office des ténèbres tel qu'il se déroulait à la chapelle sixtine.

Pour approfondir le sujet, voici quelques notes lumineuses de notre chef sur le contexte de l’époque…

 

Le roi João IV du Portugal

Tremblement de terre sur le palais royal de Lisbonne

 

Le roi portugais João IV (1604-1656) était réputé de son vivant pour son engouement envers la musique. On dit qu’il avait assemblé la plus grande bibliothèque musicale d’Europe dans son palais royal de Lisbonne, ce qui est retracé dans son catalogue. Hélas, il ne reste que le catalogue car les partitions furent toutes perdues en 1755 lors du tremblement de terre qui a détruit le palais et la moitié de la ville de Lisbonne.

 

Avant de devenir roi en 1640, il avait le titre de Duc de Bragance, avec son siège au château de Vila Viçosa. On dit qu'il y pratiquait la musique au moins une heure chaque matin. On peut toujours y voir sa salle de musique, décorée avec toutes sortes d’images de musique et de musiciens.

 

L’origine du fameux Tenebræ…

L’office des Ténèbres – Tenebræ en latin – était célébré trois fois pendant la semaine sainte. Il se composait des offices de Matines et de Laudes, car à l'origine il avait lieu les matins de jeudi, vendredi et samedi saints, connu sous le nom du Triduum ; au 13ème siècle ces offices ont été déplacés à la veille – les soirs de mercredi, jeudi et vendredi.

Chaque office est très long et très recueilli, chacun peut durer jusqu'à trois heures.

La partie Matines se compose de 9 psaumes, chacun avec leur antienne, le petit morceau de plein chant entendu avant et après le psaume, qui fait une sorte de résumé de son esprit. En plus, une Leçon est liée à chaque psaume, et chaque Leçon est suivie par un Répons.

Manuscrit des partitions des lamentations de Jérémie composées par Fernando de Almeida

La partie Laudes ajoute 4 autres psaumes et 2 cantiques, toujours chacun avec son antienne, mais sans les Leçons et donc les Répons. Seules certaines parties étaient habituellement mises en musique, principalement certaines des Leçons – les fameuses Lamentations de Jérémie – et, à la fin de l'office, le psaume pénitentiel Miserere mei Deus.

Un des compositeurs préférés du roi João IV était Fernando de Almeida , qui composa plusieurs versions de cette musique pour le très ancien office de Ténèbres ; suivant une tradition portugaise, il a aussi fourni la musique pour tous les Répons – 9 pour chaque soir, et donc 27 en tout, dont les textes, très imagés et dramatiques, racontent un par un l'histoire de la Passion du Christ.

 

Fernando de Almeida (v.1603-1660) 

Fernando de Almeida est né à Lisbonne en 1603. Il mena une vie plutôt tranquille, jusqu'à ses dernières années qui prennent un caractère tragique.

A l'âge de 16 ans il devient novice dans l'Ordre du Christ, et prononce ses vœux perpétuels 20 ans après, au grand monastère de Tomar, le Convento de Cristo, le plus puissant de Portugal.

Scènes de l’inquisition à Lisbonne, devant le Palais royal

Là, devenu sans doute maître de chapelle (malgré l'absence de preuves officielles) il compose la plupart de son œuvre. En même temps, il gravit la hiérarchie de l'Ordre du Christ, et en 1656 il est nommé « Visiteur » (inspecteur) de l'ordre.

De part sa nouvelle fonction, deux ans plus tard, il se sent obligé de dénoncer à l'Inquisition, une affaire de sodomie contre le puissant Prieur de Tomar. Mais ce dernier avait plus d'amis et de relations que notre compositeur. Il réussit donc à retourner cette accusation contre de Almeida, qui se trouve suspecté de calomnie et parjure. Après interrogation, au cours de laquelle il n’a probablement pas été en mesure d’apporter la preuve de son accusation, il est condamné, renvoyé de l'ordre et incarcéré au cachot de Tomar, où il meurt peu après dans une misère totale, sans même recevoir les saints sacrements de l’église qu’il a tant servie.

 

Quid de l’œuvre de Fernando de Almeida ?

Le duc de Bragance, devenu le roi João IV en 1640, entendit la musique de Almeida pour la semaine sainte, lors de ses très fréquentes visites au monastère de Tomar. Il l’aurait fait publier si sa mort n’était pas survenue trop tôt.

L’œuvre de Almeida à la bibliothèque du palais ducal de Vila Viçosa

Son petit-fils, le roi João V, qui voulait être un modèle pour tous les rois catholiques d'Europe, l'apprécia lui aussi. C’est en 1715 qu’il décida d’en apporter les manuscrits à sa chapelle royale à Lisbonne. Mais il eut également l’idée, vers 1740, de les faire copier en intégralité, afin que cette musique puisse être entendue aussi, dans les offices de Tenebræ, à la chapelle du palais ducal de Vila Viçosa.

Grâce à cette action, une bonne majorité de l’oeuvre de Almeida fut sauvée du tsunami qui ravagea le palais royal de Lisbonne en 1755.

 

La musique de notre concert…

Au programme de cet office des ténèbres, Graham à choisi de nous faire interpréter les Lamentations de Jérémie et le Miserere mis en musique par de Almeida pour le Jeudi Saint.

Il a également sélectionné 5 Répons, tiré des différents jours du Triduum. La mise en musique par Almeida frappe par ses harmonies saisissantes, qui illustrent à merveille les textes de déploration et de pénitence. Dans les Répons, le compositeur suit de très près le drame des textes et la musique en devient presque théâtrale.
Pour compléter ce programme, un motet de Juan de Castro, Caligaverunt oculi mei, retrouvé également dans ces mê

Carlo Gesualdo

mes manuscrits. Le texte est celui du dernier Répons pour le 2ème soir des Ténèbres.

Et comme nous avons à notre répertoire le très célèbre et chromatique motet de Carlo Gesualdo, O vos omnes, qui est le verset de ce Répons, ils forment ensemble un 6ème Répons dans notre office.

Ces œuvres nécessitent d'être accompagnées d'une basse continue,  assurée à l'orgue par notre fidèle collaborateur Yannick Varlet. Il y insére également quelques pièces pour clavier de Manuel Rodrigues Coelho, organiste de João V à la Chapelle royale de Lisbonne entre 1602 et 1633.

 

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