Deux atmosphères différentes pour un même concert…
Notre grand concert de printemps a eu lieu, cette année, dans 2 lieux uniques :
– l’Eglise Notre Dame de Pontoise qui nous accueille régulièrement et que nous apprécions tant
– l’Eglise Protestante des Batignolles que nous avons eu le plaisir de découvrir
Pour cet évènement, nous étions rejoints par un orchestre baroque, « Les Amis de William Byrd » (dont Yannick Varlet qui nous accompagne régulièrement) ainsi que par plusieurs chanteurs solistes dont vous pouvez découvrir le parcours en cliquant sur leur nom : Kaoli Isshiki-Didier (soprano), Brigitte Vinson (mezzo-soprano), Christophe Gauthier (baryton basse), Lewis Hammond (contre ténor) et Bastien Milanese, ténor et membre de l’Ensemble Vocal de Pontoise.
Pour vous mettre (ou vous remettre) dans l’ambiance de ce programme prestigieux, comme sait nous en concocter notre Chef de Choeur et Musicologue Graham O’Reilly, voici quelques commentaires qu’il a souhaité apporter pour mieux comprendre l’arrière plan musical de l’époque.
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Rome, foisonnement de la musique Baroque
Au début de l'année 1708 un nombre remarquable de compositeurs est présent à Rome. Arcangelo Corelli et Bernardo Pasquini, maîtres incontestés de musique pour instruments et clavier respectivement, arrivent à la fin de leurs carrières illustres dans la ville. Alessandro Scarlatti, compositeur lyrique dans une ville où l'opéra était interdit, mais maître avéré de toute autre forme de musique vocale, est à l'apogée de sa gloire. Autour de ces maîtres se trouvent beaucoup d'autres compositeurs compétents, écrivant leur musique pour de nombreuses églises et maints cardinaux fortunés à Rome. C'est dans ce milieu musical foisonnant qu'arrivent le vénitien Antonio Caldara (1670-1736) via Mantoue, en quête de nouvelles opportunités, et l'allemand Georg Friedrich Händel (1685-1759), à la recherche du style italien de composition qui allait redéfinir sa carrière. Händel s'était déjà imposé à Rome l'année précédente avec son magnifique psaume Dixit Dominus, que nous avons interprété en 2019. En 1708, Caldara, Scarlatti et Händel ont tous composé des oratorios pour Pâques, donnés le même mois au palais du Marquis Ruspoli.
Le périple d'Antonio Caldara
Des événements indépendants de la volonté des deux jeunes visiteurs les obligent de se retirer de Rome – en juillet la ville est assiégée par les troupes Habsbourg dans la longue guerre de Succession d'Espagne. Caldara se dirige d'abord sur Barcelone, puis retourne à sa ville natale, Venise, avant de revenir, plus tard, à Rome. Enfin, en 1716, après de nombreux faux départs et espoirs brisés, il est nommé Kapellmeister à la cour du souverain du Saint Empire à Vienne – un des trois ou quatre postes les plus importants en Europe à l'époque. Au cours des vingt années suivantes, jusqu'à sa mort – probablement due à une surcharge de travail – il a composé plus de 50 opéras, 40 oratorios, près de 100 messes, et le Stabat mater, qui ouvre notre concert de ce soir.
De Scarlatti à Purcell
Scarlatti aurait certainement influencé les deux jeunes compositeurs. Ses harmonies plaintives et très napolitaines se trouvent dans la musique sacrée de Caldara tout au long de sa carrière, et surtout dans le Stabat mater ; et le Dixit Dominus de Scarlatti, qui clôt notre concert ce soir, a servi sans aucun doute de modèle pour celui de Händel.
Händel aussi a beaucoup voyagé – à Naples, puis à Venise et Florence – avant de s'installer définitivement à Londres, où il transforme la musique anglaise pour toujours, d'abord avec ses opéras italiens, puis, une fois leur mode passée, il invente l'oratorio anglais, pour lequel il est le plus connu aujourd'hui. En amont, il étudie la mise en musique des textes anglais.
Le compositeur qui l'a le plus influencé fut Henry Purcell (1659-1695), mort, bien trop jeune, à l'âge de 36 ans. Händel est un grand admirateur de la musique de Purcell – en écoutant une interprétation de son œuvre Israel in Egypt, William Savage, un de ses meilleurs solistes « basse », assis à ses côtés, fit remarquer qu'un certain passage lui rappelait la musique de Purcell. « Allez au Diable, dit Händel. Si Purcell avait vécu, il aurait composé de bien meilleure musique. »
Praise the Lord O Jerusalem fut probablement composé pour le double couronnement de William III et de la Reine Mary en 1688 – le texte étrange, qui décrit avec précision les rôles des rois et des reines, ne se trouve ailleurs que dans l'hymne, également de Purcell, My heart is inditing (que nous avons donné également en 2019), composé pour le couronnement de Jacques II trois ans auparavant. Bien que moins extravagante que l'autre œuvre, celle-ci montre le même contraste entre le majestueux et le joyeux, qui convient à une musique de couronnement.
Et puis Matthew Locke…
Les autres pièces de notre programme sont encore plus anciennes : deux pièces de musique instrumentale de Purcell, composées dans les années 1670, qui témoignent de son enthousiasme pour assimiler tout ce que pouvait lui offrir la tradition musicale anglaise ; et un motet, Audi Domine, clamantes, par l'ami (et peut-être professeur) de Purcell, Matthew Locke. Le texte – une prière catholique particulièrement mystique – se prête parfaitement à la voix musicale unique et excentrique de Locke.
Un programme élaboré avec passion…
Et si vous voulez en savoir davantage sur ce qui a guidé notre chef dans l’élaboration de ce programme, prenez le temps d’écouter son accent chantant nous raconter plus d’anecdotes sur chacun de ces compositeurs…
Écoutez nos « lives »…
Et si vous avez manqué nos concerts, ou si vous voulez vous replonger dans leur ambiance, voici quelques morceaux choisis.
- Stabat Mater d’Antonio Caldara en l’église Notre-Dame de Pontoise (Capture du son Christian Izorce)