Ensemble Vocal de Pontoise Direction Graham O'Reilly

Musikalische Exequien (janvier 2019)

Notre grand Concert de Noël a eu lieu au Carmel de Pontoise les 12 et 13 janvier 2019.

 

Voici quelques informations sur les 3 compositeurs du XVIIe siècle de notre programme.

 

Qui connait le nom de Andreas Hammerschmidt aujourd'hui ?

Lui qu'on appelait « l'Orphée de Zittau » ? Lui dont la pierre tombale porte la mention de Musicus celebrissimus et célébré par le poète Johann Rist qui note sa « célébrité mondiale » ? Compositeur prolifique (il publia de son vivant plus de quatre cents pièces de musique vocale sacrée), il est avec Schütz (qui préfacera l'un de ses recueils) le musicien dominant du milieu du XVIIe siècle dans les terres germaniques. Cette célébrité, il la doit certes à la très grande qualité de son écriture, mais également au fait d'être parfaitement en phase avec les attentes de son temps. Son style est hérité de la grande tradition de la Renaissance protestante, mais avec des éléments innovants provenant d'Italie (notamment les figuralismes caractéristiques de ce genre nouveau qu'est le madrigal).

 

Samuel Scheidt

Il a passé quasiment toute sa vie à Halle, cité saxonne. Les difficultés de la vie à cette époque (notamment la guerre de Trente Ans) ne semblent pas avoir perturbé l'œuvre créatrice de ce compositeur qui réunit nombre de pièces vocales et instrumentales dont le monumental recueil pour orgue Tabulatura nova, paru en 1624, qui fait de lui un maître de la nouvelle école d'orgue allemande et dont sont tirées les pièces d'orgue de ce programme.

Si Schütz, son contemporain, a pu être marqué par l'héritage de Gabrieli avec qui il étudia à Venise, Scheidt ne renie pas ses années de formation auprès de Sweelinck à Amsterdam. Les variations sur des chansons profanes (telle que la Cantio Belgica) ou sur des psaumes (tel que Da Jesus an dem Creutze stundt) traitent les thèmes de façon très respectueuse afin d'en garder une belle lisibilité. Il faudra attendre Scheidemann, Buxtehude puis Bach pour entendre une floraison de diminutions et d'ornementations.

 

Heinrich Schütz

Il subit quant à lui de plein fouet les affres de son époque. L'année de sa naissance, on dénombre à Weissenfels, sa ville natale, près de 600 victimes de la peste, chiffre qui ne faiblira pas durant les années suivantes. Aux épidémies s'ajoute une justice brutale et hystérique (par exemple en 1589 – Schütz a 4 ans), on brûle non loin de là 133 sorcières en une seule journée. Si cela ne suffisait pas, les guerres vont bon train, dont la meurtrière guerre de Trente Ans 1618 à 1648. Durant sa longue vie (85 ans, pour l'époque, ce n'est pas rien) il perdra son unique frère, sa femme qui n'avait que 24 ans ainsi que ses deux filles. Il parlera avec pudeur de son « existence presque pénible ». La mort est une compagne familière, et c'est pour la préparer que le seigneur de Gera, Heinrich Reuss Posthumus*, commanda à Schütz son Musikalische Exequien. Homme d'une vaste culture, humaniste et diplomate reconnu, Heinrich Reuss nourrissait sa mélancolie de musique religieuse. Sentant sa mort approcher, il souhaita régler tous les détails de sa cérémonie d'obsèques. Il acheta un cercueil d'étain, décoré de cuivre, à l'extérieur duquel il fit ciseler un choix de textes bibliques et demanda à Schütz de les mettre en musique.

 

 

La première partie de l'œuvre se présente donc comme une suite de versets des Saintes Ecritures et de cantiques, pouvant se lire comme un Kyrie suivi d'un Gloria, les deux seuls mouvements de la messe luthérienne.

La seconde partie (le motet « Herre, wenn ich nur dich habe ») constitue l'argument de l'oraison funèbre qui devait suivre. Ecrit pour double chœur à huit voix dans un style essentiellement homophone, il fait usage des alternances systématiques entre les deux ensembles, selon la pratique que Schütz avait pu entendre lors de son premier séjour à Venise.

 

 

Enfin la troisième partie, bâtie sur le cantique de Siméon, fit l'objet d'une mise en espace saisissante : le grand chœur, dans la tessiture grave, se trouvait près de l'orgue et les trois voix solistes chantaient leur partie («Selig sind die Toten») du fond du caveau où le commanditaire fut inhumé, situé dans l'église. Le baryton représente l'âme heureuse (beata anima) et les deux sopranos des séraphins, accompagnant l'âme du commanditaire.

A noter que Schütz, lors de la publication de l'œuvre, a indiqué que le Musikalische Exequien pouvait servir pour la fête de la Présentation du Christ. Cette fête, autrefois consacrée à la Purification de la Vierge et correspondant à la chandeleur, est célébrée le 2 février, toute proche de la date de ce concert. Heinrich Reuss lui-même, décédé le 3 décembre 1635, se fit embaumer pour être enterré le 4 février 1636.